Spectacles et cirque

Plongez dans l’histoire enchantée d’un port où tanguent les bateaux et les cœurs des marins. Partez à la rencontre d’une petite sirène qui rêve elle aussi d’embarquer, portée par l’amour et le goût de l’aventure. On n’est plus tout à fait chez Andersen, et franchement pas chez Disney dans cette fabuleuse création sur l’émancipation menée tambour battant par le Collectif Ubique. Laissez-vous hameçonner !

C’est un théâtre de cabaret, de cirque à l’ancienne qui sert d’écrin à l’histoire des sœurs siamoises, Daisy et Violet Hilton. Leur histoire extraordinaire ne pouvait qu’attirer le duo d’acteurs-auteurs-metteurs en scène formé par Valérie Lesort et Christian Hecq, avec leur goût pour le monstre et l’étrange, les êtres en marge, rejetés par la société. Ils déploient des trésors de fantaisie, ficellent un divertissement teinté d’humour salvateur et rendent un hommage affectueux à l’esprit de troupe. Une alchimie tout bonnement magique !

Daisy et Violet, sœurs irrémédiablement reliées par le bas de leur colonne vertébrale, exhibées dès le berceau, n’étaient pas que des curiosités à montrer moyennant finance. Véritables artistes, étoiles du Broadway des années 20, elles chantaient, dansaient et faisaient chavirer les cœurs. Stars célébrées puis déchues, elles eurent un incroyable parcours de vie. Valérie Lesort et Christian Hecq nous font suivre chaque étape de leur vie, façon théâtre de foire ! Bonimenteur, clowneries et lanceur de couteaux, rideau rouge et musique à l’étage, magie, numéros, personnages grotesques magnifiquement stylisés… Grands créateurs d’univers enchanteurs, ils éclairent avec poésie la destinée hors norme des drôles et attachantes sœurs siamoises.

L’énergie communicative du Groupe acrobatique de Tanger va une fois de plus nous contaminer après l’iaccueil de Fiq ! en 2023. C’est la metteuse en scène et chorégraphe Raphaëlle Boitel qui accompagne cette fois l’élan de vie puissant et joyeux. Elle livre une chorégraphie ciselée, dans laquelle les treize circassiens dansent et virevoltent, en héritiers de la célèbre acrobatie marocaine.

Libre et aérien, Ka-in nous embarque dans une épopée circassienne spectaculaire sur les rives de la Méditerranée, oscillant entre Europe et Afrique, cirque et ballet, tradition et modernité. C’est un hymne à la jeunesse qui ose poser les questions de son identité. Sous les clairs-obscurs chers à Raphaëlle Boitel se déploie tout un univers émotionnel où l’acrobatie puise son essort. Les mouvements se font énergiques, infatigables, la recherche du dépassement de soi survoltée, l’énergie phénoménale ! Roues, saltos et pyramides se ponctuent de hip-hop, de chorégraphies bondissantes. Et quand le plateau se pare d’un bleu vif et profond, alors on peut aspirer à la sérénité, la sagesse, et se dire que, sans aucun doute, la fraternité peut offrir une vie meilleure.

Un voyage dans l’espace, ça vous tente ? Êtes-vous prêts à bousculer les lois de la physique et défier la gravité ? Isolée dans une capsule spatiale toute blanche, cachant trappes, éléments éjectables et gonflables, une spationaute un peu acrobate doit réinventer son quotidien en apesanteur. Pas facile dans un habitacle qui tourne… mais ici tout est propice à la rêverie et à l’évasion.

Un hublot, des constellations, une combinaison bleue. Pas de doute, nous voilà dans le cosmos. On accompagne la jeune femme autant dans son quotidien que dans son imaginaire, modeste tentative d’évasion pour échapper à la solitude. Dans son vaisseau, rien n’est commode. Il faut toujours s’adapter et, quoi qu’on fasse, trouver une solution. Les gestes les plus simples sont à apprendre à nouveau… pas facile quand on a la tête en bas ! Les acrobaties s’enchaînent, mine de rien, ralenties par l’apesanteur. Parfois, la spationaute peut sortir pour une petite exploration, et l’illusion est totale. Un joli conte initiatique, à la frontière du rêve, où, selon sa tranche d’âge, on peut apposer sa propre lecture.

Après l’immense succès de Yé ! accueilli en 2024, le Circus Baobab place sa virtuosité au service de la cause des femmes. N’occultant aucun tabou, le collectif pose un regard sans concession sur la condition des Guinéennes. Un portrait énergique et impertinent dessiné par neuf interprètes à la technicité impressionnante… l’indépendance comme horizon.

Plongez dans la fureur des rues de Conakry. Découvrez la vie de tous les jours d’une poignée de femmes et d’hommes qui, entre poussière et parpaings, musique et chants, cris et danses, nous racontent par tous les attributs du cirque – voltige, mât chinois, barre russe, fouet… – leur espoir d’une vie meilleure. Un monde où les femmes seraient affranchies des obligations et mutilations que leur impose une société coutumière, en plein bouleversement. Un spectacle traversé d’une énergie féroce, de danse et de défis, clin d’œil à l’égalité des genres. Acrobaties, contorsions, main à main, pyramides, équilibres accompagnent les danses de masques et les tambours sacrés. Un cirque hautement symbolique et farouchement percutant.

En adaptant deux contes traditionnels chinois, François Orsoni, Chen Jiang Hong et leurs complices font du plateau de la grande salle un livre animé, un pop-up géant où se mêlent voix, musique et peintures à l’encre de Chine. Une performance visuelle en trois dimensions, époustouflante de beauté, à savourer à tout âge les yeux grands ouverts.

Les hommes ont tué les petits de la tigresse. Folle de rage, elle se venge en répandant la terreur. Que faire ? Lever une armée ? « Non, dit la vieille Lao Lao au roi. Tu dois lui apporter ton fils. » Ainsi commence Le Prince Tigre, porté par la voix apaisante de la narratrice. Les pages du livre qu’elle tourne dévoilent les somptueuses illustrations du peintre Chen Jiang Hong, et le plateau devient tableau… Quand débute Le Cheval magique de Han Gan, c’est l’illustrateur lui-même qui entre en action. Projetées en direct sur grand écran, ses esquisses tracées à main levée, à coups de pinceau rapides et incisifs, entraînent le récit. Magie de l’image qui se crée sous nos yeux. La poésie est partout, dans chaque dessin, dans leurs silences, dans leurs histoires contenues. Un monde onirique s’ouvre et nous enveloppe immanquablement.

La metteuse en scène Ambre Kahan, à qui nous devons la fresque bouleversante de L’Art de la joie, propose cette fois au public plus jeune un tour dans le royaume des frissons. Quoi de plus amusant que les histoires qui font peur, source de tous les questionnements ? Partons à la rencontre de créatures effrayantes mais aussi attachantes… comme si nous avions poussé la porte d’un monde magique et dangereux, où les loups et les fantômes nous dévorent par jeu, pour nous rendre plus forts.
Qui peut dire l’extrême solitude des monstres, surtout le jour de Noël ? Alors, pour ne pas être seuls ce soir-là, les voilà qui se regroupent dans une caravane perdue au cœur d’une forêt calcinée. Mais s’ils font peur, n’est-ce pas tout simplement parce qu’ils sont différents ? Pour leur Noël festif, il faut un repas réussi. Le plat traditionnel, c’est évidemment la dinde. Mais voilà, il va falloir procéder au sacrifice de l’animal. C’est clair : Santa doit mourir ! Oui, cependant, il faut savoir l’honorer comme il convient. L’inquiétante compagnie s’oblige à inventer tout un rituel d’hommages solennels… à faire frémir. Tenez-vous prêts à entrer dans cette histoire pleine de mystères, de peurs mais aussi d’amour, comme on plonge dans un film d’horreur réjouissant !

Quand une conférence autour du conte glisse vers la forêt, que les intervenants deviennent les personnages de leur propre récit et que le tout est imaginé par Nathalie Béasse, il n’y a plus qu’à se laisser doucement porter du réel à l’onirisme. Un joyeux mélange de tendresse et de nostalgie, d’absurde et de clowneries, qui embarque petits et grands dans la magie du théâtre.

L’univers artistique de Nathalie Béasse est une oasis au milieu du chaos, pour laisser libre cours au rêve, traverser le miroir et fuir les ravages d’un réalisme pesant et sans imagination. Après Velvet, elle orchestre ici un spectacle facétieux et prodigieusement inventif. Les conférenciers loufoques détournent les objets, utilisent leur corps pour raconter – comme dans les jeux d’enfants –, passent d’une chose à l’autre… ce n’est plus un conte, c’est un puzzle ! De métamorphose en métamorphose, chaque tableau installe ses surprises, provoque l’émotion. On n’ouvre pas impunément les portes de l’imaginaire ! Nathalie Béasse déconstruit avec humour et tendresse les codes de la narration et, sous les notes qu’égrène le piano, nous livre le conte de tous les contes, sans faire l’impasse sur l’inévitable cruauté. Elle réinvente ces mille et une histoires qui poussent avec malice dans les tréfonds de nos féeries intimes.

On a d’eux le souvenir ébloui de leur spectacle monumental créé sur le Pâquier avec Rachid Ouramdane, ou du fascinant Möbius présenté quelques années auparavant. Avec Le Pas du monde, le collectif XY se penche sur le temps, maître d’œuvre inexorable qui rythme nos métamorphoses. Éphémère présence de l’humain, lente érosion ou brusquerie de l’éboulement : porteurs et voltigeurs se fondent dans les multiples aspects du vivant, pour nous en faire ressentir toutes les palpitations.

Vingt acrobates et deux musiciennes nous transportent dans leur imaginaire pour partager leur écoute du monde, sans jamais imiter, mais toujours suggérer. Les colonnes humaines s’effondrent brutalement, évoquant une fracassante chute de cailloux. Les corps fusionnent pour devenir montagne, trouvent la fragilité de l’humain enveloppé par la vague, ou celle d’une forêt traversée par le vent. Les artistes ne résistent pas au désir de devenir oiseau, loup, herbe, de se muer en océan. Ils jouent avec la mutation imperceptible, le glissement progressif ou la fulgurance d’un salto, d’un envol. Le collectif XY recherche les liens à la fois forts et délicats qui nous unissent aux transformations naturelles les plus extraordinaires, parce qu’il est grand temps de nous réconcilier avec ce qui nous entoure !

Aux États-Unis, dans les années 60, treize pilotes américaines intègrent un programme clandestin pour se préparer à la conquête spatiale. Ont-elles le droit de rêver aussi fort… à en décrocher la lune ? Cosmos retrace le destin incroyable de trois d’entre elles et rend hommage à l’audace des rêveuses obstinées, nous laissant des étoiles plein les yeux.

Elles étaient femmes, et pilotes de ligne émérites. Passionnées. Habituées à fréquenter le ciel, c’est l’espace qu’elles voulaient. Entre rêve et détermination farouche, quand la proposition leur a été faite de participer à un projet de tests spatiaux, elles se sont donné les moyens de prouver leur valeur. Elles ont donc suivi le même entraînement que leurs homologues, astronautes masculins, avec des résultats parfois meilleurs. Mais elles n’étaient pas pilotes de chasse, et ne chaussaient pas du 46. Maëlle Poésy agence formidablement le théâtre, la danse, le cirque et la vidéo pour donner naissance à un spectacle total, ludique, intense et sensible, à explorer en famille. Il est grand temps de découvrir celles au nez desquelles on n’aurait pas dû claquer la porte de l’Histoire : les filles de l’opération Mercury 13.

Leurs spectacles ne ressemblent à aucun autre. Zugzwang, Optraken, le Galactik Ensemble est prêt à toutes les frasques pour imposer son cirque loufoque et surréaliste. Cette fois encore, la petite communauté se trouve confrontée à un réel des plus récalcitrants. Sauront-ils résister à cet univers hostile ? Leur science de l’équilibre instable, leur réactivité drolatique les sauveront-elles de ces périlleuses situations ? Un cirque de haute voltige combinant sable mouvant, étrange plongeoir et ventilateur géant !

L’art du cirque c’est aussi d’apporter des réponses poétiques à des questions existentielles. Au fil des tableaux successifs, rassemblés autour d’un banquet, les personnages imaginés par le Galactik Ensemble font face vaillamment aux situations les plus absurdes, apparemment sans issue. Mais c’est compter sans leur ingéniosité, leur faculté de résilience et leur indéniable courage. Frasques est une pièce acrobatique joyeusement déstructurée, impulsive, détonante, qui se joue du temps comme de l’espace. Aux prises avec une machinerie inventive au rythme débridé, les cinq acrobates aimeraient s’extraire de tables mouvantes, sols incertains, mondes à l’envers. Des pièges qui les plongent dans un univers imprévisible et foutraque, fait de luttes et d’échecs, de solitude et de collectif. Et, au détour de leurs multiples extravagances, se profile une rayonnante ode à la liberté.